L’alimentation traditionnelle des Américains
Par Sally Fallon Morell and Mary G. Enig, PhD.
Publié pour la première fois en 1999 sous le titre “Americans Now and Then” dans le Price-Pottenger Nutrition Foundation Health Journal, Vol 20, No 4. (619) 574-7763.
Les recherches effectuées sur la plaque athéromateuse et le cancer ont mis l’accent sur les graisses alimentaires. Les gourous actuels du régime alimentaire affirment que l’alimentation actuelle des Américains est devenue plus riche qu’elle n’était durant les décennies du milieu du siècle dernier. “… nous avons petit à petit augmenté notre consommation de beurre, de lait, d’autres produits laitiers et d’oeufs. La proportion de calories provenant des graisses dans notre alimentation s’est accrue de 30% en 1910 à plus de 40% en 1966…” Dans son livre intitulé “Your Heart has Nine Lives” (Votre Coeur a Neuf Vies), Stamler, écrivain prolifique et membre de l’American Heart Association de longue date, a été l’un des promoteurs de la “théorie lipidique” pendant plus de trois décennies. Il a vécu assez longtemps pour voir la totalité de l’Establishment médical américain se rallier à la théorie selon laquelle l’augmentation des cas de cancer et de maladies cardio-vasculaires est due à l’augmentation de consommation de graisses saturées et de cholestérol en provenance du beurre, de la crème, des oeufs et de la viande rouge. La solution, selon lui, est de remplacer les graisses laitières et le saindoux par des huiles poly-insaturées. Entre parenthèses, Your Heart has Nine Lives a été sponsorisé par la Corn Products Company, fabriquants d’huile de maïs et de la margarine Mazola.
Les recettes du livre de cuisine Baptist Ladies Cook Book, publié le 1er janvier 1895 par les femmes de Monmouth, Illinois, ne confirment pas du tout les affirmations de Stamler suivant lesquelles les Américains mangeaient moins gras il y a un siècle. Il ne présente guère de recettes qui ne contienne pas de beurre, de crème, d’oeufs ou de saindoux, du Chapitre Un sur la soupe au volumineux Chapitre des Desserts. La plupart des recettes pour les viandes font appel à des sauces au jus et à la graisse de viande (gravy), et même à l’ajoût de crème à ces sauces. Les plats de légumes sont composés d’asperges à la crème, 4 différentes versions de chou à la crème, de begnets de maïs et d’aubergines frites au saindoux, de boulettes de pommes de terre sautées dans de la graisse de roti et de panais frits dans de la graisse de bacon.
Les recettes pour le poisson comprennent le poisson à la crème, les darnes de poisson à la crème, le saumon à la crème. Les sauces pour accompagner le poisson grillé mentionnent l’utilisation d’une “grande cuillerée” ou d’une demi-tasse (one gill) de crème. Un chapitre entier consacré aux huitres est composé de recettes d’huitres “a la diable” à base de jaunes d’oeufs, de petits pâtés d’huitres faits avec des oeufs et de la crème, d’huitres au bacon, d’escalopes d’huitres, d’un pâté d’huitres additionné d’1/4 de litre de crème, d’escalopes d’huitres frites dans de la sauce de viande, d’huitres frites au lard, et d’escalopes d’huitres cuites dans du beurre et du lait. Les recettes d’abats sont composées de foie de veau et de ris de veau frits et à la crème. Des chapitres complets sont consacrés aux fromages et aux oeufs.
Une recette de pâté de tête, proposée par Miss Florida, se lit comme suit: “Prenez une tête de porc, un coeur, la langue et un morceau de foie. Nettoyer soigneusement et tremper 24 heures dans de l’eau salée. Mettre à bouillir dans l’eau froide. Cuire jusqu’à ce que les os se détachent facilement. Mettre alors dans un grand plat et hacher finement au couteau. Assaisonnez généreusement avec feuilles de sauge, sel et poivre. Remettre dans le jus de cuisson réduit par évaporation. Epaissir avec un peu de farine de maïs et une tasse à thé de farine de sarrasin jusqu’à la consistance d’une bouillie. Mettre alors dans des terrines et quand c’est refroidi, couper en tranches que et mettre à frire jusqu’à une belle coloration bien brune. C’est très bon pour un petit déjeuner froid. Si vous ne pouvez pas tout utiliser la première fois, verser du saindoux sur les restes et vous pourrez alors le conserver tout l’hiver.
Les femmes baptistes de Monmouth Illinois étaient amoureuses de croquettes, de boulettes de viande hachée mélangées à de l’oeuf, de la chapelure et des condiments. Le chapitre consacré aux croquettes comprend des recettes pour des petits plats au poulet, au saumon et au veau. Tous étaient frits dans du saindoux chaud et servis avec une sauce riche faite de beurre, de crème et de farine. Manifestement, la laitue était rare: il n’y a qu’une recette de laitue, “quand on peut s’en procurer”. D’autres recettes ont trait aux pommes, aux choux, au jambon, à la langue, au poulet, aux fruits, aux pommes de terre, aux huitres, au veau, au homard, au ris de veau, aux crevettes et aux capucines! Les sauces pour la salade de chou cru contient de la crème fraîche etles trois recettes d’assaisonnements pour la salade contiennent des jaunes d’oeufe, du vinaigre et de la moutarde. L’une d’entre elles fait appel à “l’huile d’olive ou au beurre fondu”, une autre pour une tasse de crème fouettée, et la troisième pourde l’huile. C’est la seule fois où le mot huile est mentionné dans tout le livre. Au tournant du siècle, les Américains se nourrissaient de beurre, de crème, de jaunes d’oeufs et de saindoux. Mais pas d’huiles végétales.
Naturellement les cuisinières juives n’utilisaient pas de saindoux. Mais les recettes d’un livre de cuisine publié à Londres et datant de 1846 ressemblent aux précédentes, utilisant des jaunes d’oeufs, du beurre et de la crème, quand cela était approprié, et faisant frire avec du suif. Les conseils en vue de la “clarification” de la graisse de rognon de boeufsont une marque de reconnaissance de sa valeur nutritive: ” Faire fondre avec soin de la fine graisse de rognon de boeuf ou de veau: la mettre dans un pot et installer dans un bain-marie, y ajoutant un brin de romarin, ou un peu d’eau de fleur d’oranger. Voilà une préparation bien tile et trouvera qu’elle peut avantageusement remplacer le saindoux, avec un goût plus délicat et bien meilleur pour la santé; Il faut bien le battre avec une fourchette en bois pour obtenir une préparationfinie plus légère.”
Les recettes juives tout autant que les recettes des dames baptistes ont trait aussi aux bouillons d’os, de pieds et d’articulations de poulet, de boeuf et de veau, utilisés dans les potages, les ragoûts, les sauces et les plats tels que les poulets et le veau en gelée. Ils contiennent du calcium et d’autres minéraux, en plus de quantités importantes que l’on trouve dans les produits laitiers, le poisson, les huitres et la viande rouge. La gélatine présente dans ces bouillons facilite à n’en pas douter la digestion de ces minéraux.
Les Baptistes étaient très gourmands de desserts riches, la moitié du livre étant consacré aux gâteaux, tartes, glaces, puddings et beignets frits, dans le saindoux bien sûr. Deux publicités pour les dentistes à l’arrière de la couverture du livre apportent le témoignage de l’effet du sucre et de la farine blanche sur leur dents. Mais les canctrs et les maladies de coeur étaient extrèmement rares au début du siècle. On peut seulement conclure que l’abondance de denrées d’origine animale de qualité leur permettait de se protéger efficacement contre les effets des glucides purifiés. Une recette allemande de gaufres donne une bonne idée de la quantité de graisses animales se trouvant dans les desserts sucrés: une demi-livre de beurre à battre dans de la crème, puis ajouter les jaunes de douze oeufs et sucrer à votre goût. Remuer comme pour un gâteau, ajouter une tasse de lait, quelque amandes broyées et une cuillère a café d’extrait d’amandes et une cuillère à café de levure de boulanger et suffisamment de farine pour en faire une pâte à crèpes ferme. Cuire dans des moules à gaufres et saupoudrer de sucre avant de servir.
Une recette de pudding pour la pâque juive dans un livre de cuisine fait appel à des proportions égales de farine pour pain sans levain (matzo meal), de groseilles et de raisins secs, un peu de sucre-“épices”, des écorce d’orange et de citron confites et des oeufs bien battus. Il est conseillé aux femmes juives de faire tremper le riz et toutes les graines avant de les ajouter aux puddings.
Le Boston Cooking School Cookbook de 1896 contient des recettes analogues à celles des femmes baptistes, apportant ainsi la preuve que leurs habitudes alimentaires n’étaient pas anormales. Le menu suggéré pour un diner à la maison comprend une soupe comme premier plat, en général avec crème ou lait entier, de la viande ou du poisson avec des pommes de terre et deux autres légumes, en coupés en rondelles en général comme deuxième plat, avec de la salade verte comme troisième assiette, suivie d’un dessert et de fromages et de petits biscuits salés avant le café. Un petit-déjeuner classique se compose de farine d’avoine servie avec sucre et crème, du poisson à la crème, des pommes de terre cuites au four et des petits biscuits de maïs. Un dejeuner à midi commence par des croquettes de mouton, frites dans du saindoux naturellement, de la laitue assisonnée, des biscuits au levain, du pain d’épice et du fromage. En plus des oeufs, du beurre et de la crème, du saindoux, du suif et des autres graisses animales, l’huile et le fruit de la noix de coco apportaient à l’alimentation des graisses saturées supplémentaires . Les cuisinières baptistes avaient 4 recettes de tartes à la crème et à la noix de coco et les ménagères juives utilisaient le fruit de la noix de coco dans leurs puddings. En plus, les recettes faisaient appel souvent aux biscuits secs ou à la farine de biscuit sec dans lesquels la graisse de coco était la matière grasse employée.
L’American Heart Association (AHA) conseille un régime apportant moins de 2.000 calories par jour, dont moins de 30% soit apportée par les matières grasses, avec seulement 10% des calories provenant des graisses saturées: c’est le “Régime de Prudence” (Prudent Diet). Nous avons fait l’analyse des menus du Boston Cook Book en ce qui concerne les calories, les graisses, les protéines et les sucres. Un petit déjeuner composé d’une orange, de farine d’avoine avec sucre et crème, jambon, pommes de terre rissolées et café avec crème et petites brioches totalise 632 calories, avec 23% des calories provenant des protéines, 42% des hydrates de carbone et 35% des lipides. La proportion de graisses saturées par rapport aux graisses non saturées est environ de 1/1, et non pas de 1/2 comme le recommande l’AHA. Un lunch composé de sardines, de café avec crème, d’un petit pain fait maison, d’un gâteau avec lait entier et noix de coco apporte 1043 calories, dont 17% sont apportées par les protéines, 52% par les hydrates de carbone et 31% par les lipides. Si le petit pain est servi avec du beurre, le pourcentage de graisse est supérieur et le rapport graisses saturées sur graisses non saturées est de 1/1. Un diner à base de soupe de céleri à la crème, de roti de boeuf, de frites, de macaronis, d’une salade de tomate avec gâteau au chocolat et café totalise 1143 calories, dont 18% provenant des protéines, 41% des hydrates de carbone et 41% des graisses, avec une quantité des graisses saturées bien supérieure à celle des graisses non désaturées.
Les menus suggérés par le Boston Cook Book donnent à penser que les Américains habitant en ville au début du siècle consommaient à peu près
2.900 calories par jour, dont 40% provenant des graisses. Les familles rurales de Monmouth, Illinois, en ingéraient probablement encore plus. Le rapport graisses saturées/graisses poly-insaturées était sans doute de 1/1. Cette alimentation riche en crème, beurre, oeufs, viandes, légumes, céréales et fruits a donné des générations d’Américains en bonne santé, robustes, intelligents, en dépit du fait qu’ils aient consommé de grandes quantités de sucre et de farine purifiée blanche. Les graisses alimentaires ingérées en grande quantité ont contribué à la solidité de leur squelette, à la vivacité de leur esprit et à la vigueur de leur système immunitaire.
Le Régime de Prudence, basses calories et faible teneur en matières grasses du Docteur Stamler et de l’AHA n’est certainement pas la prescription adéquate pour être en bonne santé, même si le sucre et les farines purifiées en ont été exclus. L’alimentation des Américains il y a un siècle était une alimentation riche et nourrissante, qui procurait des facteurs de protection pour des organismes vigoureux, exempts de maladies dégénératives et ayant gardé un esprit lucide dans leur vieillesse. La diminution de l’ingestion de graisses animales, loin d’avoir montré des avantages pour la santé, est en fait une triste réalité, une réalité qui favorise la dépression, la lassitude et le développement de toute une série de maladies dégénératives chroniques.
Copyright: ©1999 Sally Fallon et Mary G. Enig, PhD. Tous droits reservés. Publié pour la première fois en 1999 sous le titre “Americans Now and Then” dans le Price-Pottenger Nutrition Foundation Health Journal Vol 20, No 4. (619) 574-7763.
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